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31/12/2007

DIONYSOS

Dans le mythe Dionysiaque, être frappé de folie ne signifie pas que l’on est fou. On accède là à un plan qui n’obéit plus à la raison telle que la connaît l’homme attaché à ses automatismes, qui n’obéit plus à un système de réflexion tel que le pratique l’homme moderne soumit au règne de l’utilité. On accède là à un autre état de l’être qui suppose une approche nouvelle, aboutissant à une compréhension de soi-même qui nous rapproche des dieux. Son émergence suppose un détachement complet par rapport aux modes de pensées répandus qui obéissent à une impulsion plus intellectuelle. C’est grâce à cet état de l’être qu’il nous est possible d’entrer en contact avec l’inspiration qui nous guide au delà de ce réflexe incontrôlé qui incite l’homme à trouver dans l’égo, le temple idéal pour son âme travestie, dressée pour la figuration. Aussi, lorsque les dieux vous laissent entrer dans cet autre monde (immanent à celui que tout le monde connaît mais plus subtil), s’achève alors l’épreuve initiatique concernée et en commence une autre. Les mythes nous éclairent sur la situation que nous évoquons par les pratiques de purification à l’issue desquelles l’homme peut se voir appréhender le message des dieux dans le miroir de ses propres projections. Purification effective chaque fois que l’on réalise en soi l’impossible ou impensable refonte des clichés bornés du monde explicable, et qui nous fait verser dans cette conscience de ce qu’est l’élément divin si absurde et vain pour l’homme raisonnable.(Dionysos sera purifié par Thétis)

« Etre frappé de folie »(par Héra) dans les mythes, c’est être l’objet d’une exaltation mystique nécessaire pour éprouver d' intenses émotions en son tréfonds et en féconder l'esprit. Aussi, pour être délivré de cette folie, il faut être purifié, c’est à dire être devenu ce vers quoi l’on tend. C'est pourquoi lorsque Dionysos frappe à son tour Lycurgue de folie, on comprend qu'il est alors le maître artisan de cette exaltation et en possession de ce pouvoir sur lui-même. Mais avant d'en arriver là, il manque quelque chose de capital au myste frappé par cette dite folie. En effet, il lui manque quelque chose d’essentiel pour trouver la juste mesure, l’harmonie, pour concilier les courants contraires, tempérer sa nature profonde, comprendre le sens mesuré des choses. Car, dans l’espace consacré à Héra, cette flamme divine qui vient au monde sans avoir été portée préalablement dans son ventre maternel est folie d’où déséquilibre. Car Héra est le lien, le liant entre le divin et son expression. Elle est le divin dans son expression et son réceptacle. (Dionysos a été conçu sans Héra, il est la flamme divine la plus subtile qui n’a vocation qu’à faire retour mais ne le peut sans le concours d'Héra. Hephaïstos, lui, au contraire, a été conçu par Héra sans Zeus, il est donc boiteux, il a un pied dans chaque monde, il est le feu divin dans la manifestation qui a vocation à demeurer ici-bas et ne peut faire retour sans Dionysos. Dionysos a donc pour tâche de le convaincre de remonter dans l’Olympe pour se réconcilier avec sa mère Héra.) Il lui manque donc le baptême de la mère, la purification dans l’élément « féminin »(eau lustrale), sa concrétisation dans la manifestation de vie qui révèle et purifie comme une eau de source à l’issue d’un long cheminement. Dionysos se substitue à l’homme pour bien nous montrer qu’une nature ignée ne peut aller sans le foyer, le sanctuaire, que dire, le lieu où le baptême de l’eau ouvre grand le sésame de la vie, car c’est dans la manifestation que le divin réalise sa raison d’être. Lorsque Dionysos est dit rejeté, c’est pour bien nous montrer que ici-bas, les passions sont maîtresses si l’on a pas l’esprit à la pointure de l’âme. C'est pourquoi lorsque les Ménades (Thyades) accomplissent le sacrifice rituel d'un homme dans l'extase de la sauvagerie et de la joie, c'est en réalité cet aspect morbide de l'homme grossier livré à ses passions incontrôlées dont ce dernier est libéré pour atteindre un état de conscience différend. Mais, me dira t’on, comment pareille essence peut-elle manquer à un dieu ? Tout simplement parce que Dionysos est fils de la mortelle Sémélé!! (Zeus ne s’unissait à elle que dans l’obscurité). L’harmonie est rompue et de ce fait, les équilibres(entre natures différentes) sont mis à mal. L’esprit n’est alors pas équilibré, tempéré, mesuré, adouci par l’aspect divin qui émane d’Héra. L’homme est donc livré à tous les débordements de ses passions d’homme astreint à ses servitudes. Pour lui, il est donc nécessaire de se libérer de celles-ci afin de les maîtriser dans le but de purifier sa nature mortelle, redorer au soleil d’Apollon son esprit sous l’emprise, et ainsi rétablir l’équilibre pour rejoindre l’Harmonie divine qui permet l’union spirituelle avec l’âme du monde dont Héra est le principe et dont le baptême seul permet à l’émotion de lâcher bride aux divines échappées d’un esprit transformé.

La folie et le délire mystique, indices malins et clins d’œil subtils, nous invitent à méditer sur le sens véritable du mythe de Dionysos. L’expression est en ces termes une symbolique, la reconnaissance par les dieux de cette faculté de l’homme à dépasser son propre état pour accéder à ce qu’il ne saurait naturellement qualifier autrement que par des mots. C’est aussi avoir conscience que ce qui conditionne l’âme ne saurait trouver sa raison d’être qu’à la condition d’être miscible dans sa contraire et complémentaire manifestation pensée dans la juste mesure d’un équilibre parfait. Pareillement, lorsque des femmes sont saisies d’un délire mystique, c’est pour signifier la nature de cette accession : sur le plan divin bien-sûr, mais celui de la mère, principe féminin, qui siège en la terre, et qui permet à l’esprit de faire retour par et dans la manifestation. L’âme embrase l’esprit, le feu remonte par le canal de la mère, l’initiation a lieu sur terre, en soi et dans cet au-delà d’en soi. « Devenu adulte, Dionysos découvrit la vigne et son usage. Mais Héra le frappa de folie. » La vigne, l’alliance du feu et de l’eau sur terre, détentrice de sa propre magie sur l’esprit, mais que l’esprit a vocation à purifier par l’action de la méditation, qui procure l’inspiration source d’immortalité. En fait, la vigne symbolise l’esprit dans la manifestation. L’ivresse est, elle, l’expression d’une sagesse exaltée. C’est être prêt à accueillir en soi la part que les dieux nous réservent.

La nécessité du retour de l’homme dans la sphère immortelle des dieux, voilà la symbolique du cortège triomphal de Dionysos qui ne trouve d’ailleurs son origine que sur un plan divin. Dionysos, qui ira dans l'Hadès rechercher la mortelle Sémélé, sa mère, au terme de ses multiples épreuves,  montre à l'homme qu'il est possible de faire retour. Dionysos, ce dieu mi-homme mi-dieux, dieu intériorisé dans l’homme, deux fois né, élevé par des femmes d’ascendance mortelle, est l’interprète idéal, le cordon ombilical entre l’homme et son origine divine.

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12/12/2007

Le courage

Que peut-on attendre de ses pareils en définitive si dissemblables. Probablement rien qui ne soit de nature à les intéresser au départ d’eux-mêmes. Au départ de soi, tout coule de source. Mais au delà, on emprunte les boulevards de tout le monde, l’exode au cœur. L’esprit grouille sur cette artère à la cadence d’une vie courte. Oui mais sur ce boulevard, on fait beaucoup de rencontres, des rencontres brèves ou ponctuées de longueurs, des rencontres dans lesquelles l’individu se mire et fait miroiter le fétichisme de ses effets. Dans le regard de l’autre il s’essore. Du moins le croit-il !! A son insu, la mort prend une apparence de vie et cherche le trou noir où se perd l’esprit. Aimer sans mots dire, grandir sans s’illustrer, évoluer sans distinctions, voilà de quoi faire pâlir le mort. Qui donc s’attarderait à battre en brèche un devenir certain pour un archipel hors de vue, dépourvu de l’humain destin à se conduire en vain pour un gain, éclaté comme embruns dans le sens du vent pour un temps. L’homme avait choisi de jouer sa partie à n’importe quel prix, là où la nécessité n’était pas la mère du mérite, mais le billet gagnant d’un tirage au sort où le hasard n’était pour rien dans le grand tout d’un système confisqué. Son avenir était tout tracé. Dans l’horizon de son ambition, les sésames étaient au secret de sa belle position et s’ouvraient à l’approche du fils élevé dans les honneurs. Son monde était là, tout contenu dans un mandat, propriété de son état, hissé comme pavillon au faite de la haute opinion qu’il s’était forgé de lui-même. L’inconnu n’avait aucune chance de trouver refuge au cœur de ses pensées. Il avait préféré l’art de convaincre à l’art d’éprouver, le besoin de plaire au besoin de s’extraire, le vent de l’utile au souffle divin qui se contente des plus modestes encens, et le sens pratique aux autres sens si futiles, parfums de vie, brin de folie surgi au milieu des choses raisonnables. Surgi du ventre maternel comme une fleur, il avait alors perdu toute la fraîcheur d’un homme de coeur. Les lumières de l’âme elles-mêmes paraissaient ternies et déviaient de leur source pour aller nulle part échouer dans le néant des choses sans fondement.

Qu’attendre des hommes à présent ? Ils ne se tuaient plus depuis quelques décennies car les jeux étaient faits, et déjà, les esprits oublieux soutenaient avec assurance que rien de méchant ne pouvait plus arriver désormais. Mieux encore, tant de calamités dont il était fait bilan à travers le monde étaient perçues comme indignes pour des sociétés civilisées comme les nôtres, garantes des droits de l’homme. Ces mêmes garants qui, au nom de ces mêmes droits, rasèrent des villes, tuant femmes et enfants, donnant à la vengeance un caractère sain derrière un mot qui sonnait justice. Désormais, la guerre s’était professionnalisée en des termes sociaux culturels au bénéfice des mieux en vue qui soutenaient le diadème de l’autorité la plus dissolue. Mais entre les ténors, point de frictions. En effet, ils ne se disputaient le pouvoir car ils ne prétendaient pas au même empire. Toutefois, dans leurs plus bas instincts, les chiens étaient dressés pour tuer. Les incursions de l’un témoignaient de son empire sur l’autre, et le détachement de l’autre, de l’empire sur soi. Chaque manoeuvre insidieuse donnait lieu à l’esquive, et à toute stratégie battante, s’ensuivait une retraite en bon ordre. Les sous-entendus étaient d’une habilité consommée et les conquêtes  virtuelles ajoutaient à la gloire d’une victoire apparente sur les témoins subjugués qui délibéraient servilement. Les personnages de marque les mieux armés exposaient leur situation sans s’exposer à la vanter, se vantaient sans exposer leur modestie, vertu domestique qui tenait plus d’une altière libéralité que d’une sagesse consommée. Dans le même temps, leur zèle orchestré avait soin de ménager le mythe prométhéen de l’homme accompli en dépit de l'adversité, afin d’entretenir le goût épicé de leur égo rebelle au joug, en donnant à leur filière choisie ou offerte le caractère d’un maquis. Leur sens aigu du service public ainsi que leur altruisme rayonnaient dans cette débauche d’énergie pour se placer au centre des affaires dont l’objet les concernait. Tout moyen était bon et donnait lieu à des luttes inégales où l’audace n’était que simulée dans ce qui n’était qu’une chasse gardée. Désormais perçu comme la marque humiliante d’un automatisme primaire et réactionnaire, le courage était laissé telle une dépouille au perdant, tare fondamentale pour l’humain d’aujourd’hui, vertu cardinale d’un autre temps, car il n’est besoin de courage pour triompher lorsque le pouvoir vous en dispense d’emblée.  En conséquence de quoi, tout ce qui n’entrait pas dans le cercle fermé de leur monde privilégié se voyait bannis de leur société et relégué aux considérations les moins enviées. Aussi, par soucis d’être mieux placés, les esprits se hâtaient de forger l’arsenal du traître et se donnaient tout l’art de plaider en faveur des plus vils desseins.

C’est ainsi que tout un chacun fait carrière dans l’honneur d’une servilité gratifiante et sacrifie à son intérêt personnel l’héritage des générations passées.

C’est ainsi que pour sa part, l’honneur véritable  tombe dans le silence pesant des victimes non reconnues.