21/04/2011
Le bien
Le bien est dans toutes les bouches, mais il n’est pas forcément dans toutes les têtes. Il est partout, revendique son omniprésence, en pleine inflation, mais on le rencontre rarement. Il est urgent de le repenser librement, loin des clichés propres aux gourous qui confisquent la parole. Si l’on réfléchit un tant soit peu, le bien n’est-il pas intrinsèquement porté à être rehaussé d’une intelligence valorisante ? Faute de quoi, il se dévalorise et revêt les formes floues d’une vague abstraction. L’intelligence est divine, le bien ne l’est-il point ? Si le bien est divin, pourquoi devrait-il en son âme et conscience n’être pas mûrement pensé ? Pourquoi devrait-il n’être pas sagement éprouvé et tendre à la raison d’être d’une émotion légitime ? La raison qui découle d’une émotion, c’est la raison d’être, le bien ultime, l’ultime bien qui nous fait aimer les dieux, et qui nous le rendent sans cérémonies. Le rituel du bien est un mal moderne qui n’est en soi préjudiciable qu’à l’amour sincère dont se dispensent les êtres sans suite en mal de respectabilité.
Ne cherchez pas à faire le bien autour de vous sans discernement. C’est pure utopie. Le grand bien est de ne pas forcer la nature d’autrui. Le grand bien est de donner de soi-même avec raison gardée, mais de le donner pleinement à ceux qui acceptent de le recevoir. Juste un peu. Donner trop est inopportun. Gardez-vous de trop donner. Ne forcez pas au bien ceux qui n’ont pas le désir. Sinon la vertu devient système entre les mains d’un ministère individuel aux fins égoïstes. La morale s’insinue alors toute entière et produit le messianisme purificateur du prosélyte au cœur sec. Rien de plus vain que la bonté qui découle d’un usage consacré. L’homme idéal n’existe que dans une individualité plus forte que nature. C’est faire grand tort au bien que de déformer les rapports de l’homme avec le monde pour les besoins d’une ascèse esclave de l’amour. L’amour n’est universel que dans la mesure où il est individuel et individuellement réparti sans aucune uniformité de genre ou d’espèce. Le bien a vocation à être redistribué avec bon-sens sans souffrir l’expiation d’un automatisme creux, nivellateur, politique et rémunérateur.
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