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23/10/2012

Histoire de l'Afrique ou langue de bois

Extrait de l'ouvrage de Bernard Lugan "Afrique, l'histoire à l'endroit"

En dépit de points d'ancrage reconnus, l'histoire de l'Afrique - ou du moins la représentation qui nous en est donnée dans le public - dérive souvent de la réalité au mythe, de la critique à l'idéologie et de la science à la magie.

La "langue de bois" y est maîtresse. Un exemple, véritable "cas d'école", est donné par la monumentale Histoire de l'Afrique éditée par l'UNESCO. Cette collection, censée présenter l'état des connaissances et indiquer les grandes directions de recherche actuellement suivies, contient des phrases insolites n'ayant pas leur place dans un ouvrage à vocation scientifique. Ainsi : "(...) En Afrique du Sud, les historiens blancs ont refusé le concours de sciences comme l'archéologie, l'anthropologie, la linguistique (...) dans le cas présent, nous assistons à une politique délibérée d'ignorer sinon de détruire les documents existants. (Ngcongo)

Ces affirmations relèvent du plaidoyer politique, de la simple désinformation, non de l'histoire. Négation de l'archéologie en Afrique du Sud ??? Dans l'histoire de la recherche des origines de l'homme, l'Afrique du Sud occupe une place considérable. C'est ainsi que la grotte de Sterkfontein, avec ses dépôts sédimentaires vieux de trois millions d'années, a fourni jusqu'à présent les restes de 300 hominidés. L'importance de ce gisement - et de celui de la carrière de Makapansgat - est primordiale : durant la seule année 1984, des dizaines d'hominidés y ont été exhumés. Dans l'état actuel des recherches, 50% de tous les Australopithèques découverts dans le monde proviennent d'Afrique du Sud ! Les Sud-Africains furent même les pionniers de l'archéologie africaine puisque les principales découvertes furent effectuées dés 1924, à Taung dans l'actuel Bophuthatswana, en 1936 à Sterkfontein au Transvaal, en 1938 à Kromdrai, en 1945 à Makapansgat et en 1948 à Swartkrans.

Ngcongo ment également quand il parle de l'ignorance de la linguistique en Afrique du Sud. A-t-il seulement entendu parler des colloques de l'Université d'Afrique du Sud sur les langues africaines ? Les listes de thèses, d'articles, de livres, etc., que les historiens sud-africains consacrent à l'anthropologie, à la linguistique, aux travaux archéologiques sont impressionnantes par leur nombre et leur qualité exceptionnelle - pour ne pas dire unique - sur le continent africain.

Nous sommes donc face à une entreprise de désinformation impossible à dissiper car l'Histoire officielle de l'UNESCO compte déjà des millions de lecteurs. Au moment où l'histoire européenne achève de sortir du manichéisme, celle de l'Afrique est d'abord une histoire militante ne tenant plus compte des résultats de la recherche. La situation de l'Afrique pré-coloniale est déformée, afin de persuader les lecteurs qu'avant les blancs, ce continent était une sorte de paradis terrestre. Rousseau est donc toujours présent avec son mythe du "bon sauvage". Les historiens de l'Afrique considèrent trop souvent ce continent comme un terrain de manoeuvres philosophiques. Du pacte colonial, l'on est passé au pacte idéologique, l'Afrique devenant un champ clos dans lequel sont artificiellement introduits des notions, des idées, des termes, des réalités, des controverses, des interdits qui lui sont étrangers. Une fois encore, l'européocentrisme règne en maître...ce qui est cocasse quand il est véhiculé par des tiers-mondistes. (....)

Les hypothèses deviennent certitudes tant il est vrai que les idéologues cherchent partout la justification de leur acte d'accusation permanent contre le nord. La variante journalistique de ce thème est bien illustrée par Atsutsé Kokouyi Agbobli quand il écrit : "Fort d'une supériorité acquise au plan de la technique militaire, l'Occident européen est parti à la conquête du monde, non pour y étendre une civilisation supérieure en assumant " le pardon de l'homme blanc" mais, pour tuer et piller. Contrairement à la thèse selon laquelle les pays colonisés ont coûté cher aux métrpoles, c'est bien ces dernières qui ont bâti leur développement sur le pillage de leurs possessions outre-mer (...) La plus grande monstruosité consiste à considérer l'Afrique anti-coloniale comme une "mosaïque de tribus en guerre permanente".(Jeune Afrique)

Le crédo historique tiers-mondiste est d'abord chanté par les hommes de certains médias, ignorants qui répètent en les amplifiant les poncifs que les idéologues universitaires leur fournissent en "kit". Leur postulat est que l'homme blanc est responsable du sous-développement de l'Afrique, aussi doit-il payer, et pourquoi pas, pour le rachat de ses péchés, se laisser envahir afin de sentir à son tour le poids de son oppression passée? Invention ? Fantasme ? Il suffit de lire l'éditorial de Siradiou Diallo dans la revue Jeune Afrique du 4 mai 1988 pour saisir la réalité de l'idée :

"Tant que les pays industrialisés continueront, à travers les mécanismes, les prix et les structures injustes du marché mondial, à exploiter et à appauvrir les pays sous-développés, africains en particulier, les ressortissants de ces pays n'auront pas le choix. Il envahiront inexorablement le Nord à la recherche d'emplois, de mieux-être et de sécurité. C'est là un courant naturel et irréversible contre lequel les vociférations de l'extrême droite ne pourront rien. Comme cela s'est vu depuis la plus haute antiquité, que ce soit sous l'Egypte pharaonique, Carthage, la Grèce ou Rome."

Petit à petit, les plaies de l'Afrique pré-coloniale ont été effacées des mémoires. Peu à peu furent gommés le tribalisme et les guerres continuelles, oubliés les ethnocides, occultées les épizooties qui réduisaient à néant les troupeaux tous les vint-cinq ans, cachées les mutilations sexuelles, l'esclavagisme ou même l'anthropophagie. On masque soigneusement la réalité. On ne dit plus que, quand débuta la colonisation, les populations africaines sous-alimentées étaient minées par toutes les parasitoses, par le trachome, la malaria, la dysenterie amibienne, la tripanosomiase, le pian, et toutes les shistomiases dont la bilharziose. On nous parle au contraire du choc bactérien introduit par les blancs, en omettant de dire que les maladies européennes étaient guérissables.

Les recherches universitaires ont montré que l'Europe n'a pas brisé l'équilibre de sociétés paradisiaques. Le crédo normalisé par les historiens officiels et par l'UNESCO puis popularisé par les médias n'a pas de valeur scientifique. Il repose sur une suite d'à-priori idéologiques et sur la mise en évidence d'exemples particuliers transformés en loi générale. Il continue à être véhiculé uniquement parce que les tiers-mondistes exercent une véritable dictature intellectuelle et morale sur les études africaines. Le seul fait de la contester, de vouloir argumenter suffit à se voir traiter de "raciste". Accusé, taisez-vous, vous n'avez pas de droit à la parole ! laissez soliloquer Fouquier-Tinville !

Bernard Lugan, maître de conférences en histoire à l'université de Lyon III. Docteur en histoire, docteur ès lettres, spécialiste de l'Afrique, il a enseigné dix ans à l'université du Rwanda. Archéologue, il a travaillé sur les migrations ethniques en Afrique orientale.

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